Le pouvoir, bien qu’il soit souvent synonyme de responsabilité, peut également entraîner des comportements déconnectés des réalités et des besoins des autres. Une étude menée il y a 15 ans par Adam Galinsky et ses collaborateurs, reste aujourd’hui une référence pour comprendre comment le pouvoir influence la capacité à percevoir et à comprendre les perspectives des autres.
Une approche expérimentale révélatrice
L’étude de Galinsky, professeur de management à la Kellogg School of Management, et ses co-auteurs Joe Magee, M. Ena Inesi et Deborah H. Gruenfeld, se compose de plusieurs expériences démontrant l’effet du pouvoir sur la prise de perspective. En “amorçant” les participants avec des souvenirs de moments de pouvoir élevé ou faible, les chercheurs ont examiné comment ces états influencent leur capacité à adopter des points de vue différents.
Par exemple, dans une expérience, les participants devaient écrire la lettre “E” sur leur front après avoir été “amorçés” avec des souvenirs de pouvoir. Ceux qui se sentaient puissants dessinaient la lettre de manière à pouvoir la lire eux-mêmes, tandis que ceux qui se sentaient moins puissants la dessinaient pour qu’elle soit lisible par un observateur. Cette différence souligne que les individus en position de pouvoir sont plus centrés sur leur propre perspective.
Effet du pouvoir sur l’empathie et la perception des émotions
Les chercheurs ont également exploré comment le pouvoir affecte la perception des émotions d’autrui. Dans une expérience, les participants, après avoir été amorcés avec des sentiments de pouvoir, devaient identifier les émotions sur des visages exprimant le bonheur, la tristesse, la peur ou la colère. Les résultats ont montré que les participants de haut pouvoir faisaient plus d’erreurs dans l’identification des émotions, suggérant une diminution de l’empathie.
Cette diminution de la capacité à percevoir correctement les émotions et les perspectives des autres peut ne pas être une décision consciente mais plutôt une conséquence psychologique du pouvoir. En effet, le pouvoir semble prioriser l’attention sur ses propres tâches et responsabilités au détriment de la compréhension des autres.
Le pouvoir et la communication ambiguë
Une autre expérience a montré comment le pouvoir influence la compréhension des informations privilégiées. Les participants devaient imaginer une situation où, après une mauvaise expérience au restaurant, un collègue envoyait un message apparemment positif à l’ami qui avait recommandé le restaurant. Les participants de haut pouvoir supposaient que l’ami comprendrait le sarcasme du message, reflétant une tendance à croire que les autres partagent leurs connaissances et perspectives.
Stratégies pour améliorer la prise de perspective
Les implications de ces découvertes sont importantes, particulièrement dans le domaine du management et des ressources humaines. Pour éviter les effets négatifs du pouvoir sur la prise de perspective, les entreprises peuvent adopter plusieurs stratégies :
L’étude de Galinsky et ses collègues, bien que datant de 15 ans, reste une source précieuse d’insights sur les effets du pouvoir sur la prise de perspective et l’empathie. Pour les entreprises, ces enseignements sont cruciaux pour développer des leaders plus efficaces et socialement responsables. En mettant en place des programmes de formation, des évaluations et des mécanismes de feedback appropriés, les organisations peuvent s’assurer que leurs dirigeants restent connectés aux besoins et perspectives de leurs équipes, améliorant ainsi la satisfaction et la performance globale des employés. Un leadership équilibré et responsable est essentiel pour le succès durable de toute organisation.